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Page:La sainte Bible selon la Vulgate traduite en français, avec des notes par J.-B. Glaire. Nouvelle édition avec introductions, notes complémentaires et appendices par F. Vigouroux (1905).djvu/1582

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LES PROPHÉTES. — OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES.


révélation qu’il faut entendre, lorsque l’Ecriture dit en parlant d’un prophète que l’Esprit du Seigneur l’a envahi, l’a saisi : Irruit super eum Spiritus Domini ; et lorsque Jérémie s’écrie : « Mon cœur a été brisé au milieu de moi ; tous mes os ont tremblé ; je suis devenu comme un homme de condition ivre, et comme un homme du peuple rempli de vin, à cause du Seigneur et à cause des paroles saintes » (xxiii, 9. Compar. xx, 7, 8). Enfin Dieu se révélait intérieurement à ses prophètes réveillés et jouissant du plein et libre usage de leur raison, en éclairant leur entendement d’une vive lumière, et en excitant fortement leur volonté à manifester les vérités qu’il leur communiquait. Ainsi l’état des prophètes, quand ils recevaient les révélations divines, quoique différent de leur état naturel, n’avait cependant rien de commun avec l’extase, ou plutôt la démence et la fureur délirante des devins du paganisme, qui était purement artificielle, produite par des excitants naturels ou par l’opération du démon. D’où il suit que l’extase des prophètes hébreux était un état surnaturel, et celle des païens un état contre nature.

III. Il y a ordinairement dans les prophéties deux sortes d’événements : les uns prochains et les autres éloignés ; mais le prophète les décrit indistinctement, selon qu’ils se présentent à son regard prophétique. Il passe de l’un à l’autre sans en avertir ; il s’arrête même quelquefois davantage sur les événements les plus éloignés, quand ils sont plus importants ; et pour l’ordinaire, il les représente obscurément, tandis qu’il montre plus clairement et plus distinctement les événements prochains. Ajoutons qu’il lui arrive aussi de représenter comme déjà accomplis des faits qui ne doivent l’être que dans un temps à venir. De là vient le passage rapide d’un temps du verbe à un temps différent, et quelquefois dans la même phrase. Ainsi on voit fréquemment un parfait ou un plus-que-parfait à côté d’un futur ou d’un présent. Nous avons cru devoir dans notre traduction nous conformer le plus possible à ces variations ; on en comprend aisément le motif.

La Vulgate reproduit très souvent les idiotismes de l’hébreu, au lieu de se conformer au génie de la langue latine, et cela non seulement pour la signification et la construction des mots ; mais encore pour l’emploi des différents temps des verbes. Elle mêle le sens littéral et le sens métaphorique, et elle attribue à l’un ce qui appartient à l’autre. Nous ferons encore remarquer qu’on rencontre dans beaucoup de phrases, au lieu d’un nom de personne ou de chose précédemment exprimé, le pronom qui le représente. Or, pour éviter la confusion et même des faux sens dans notre langue, nous avons dû quelquefois substituer le nom lui-même au pronom qui le représente.

J.-B. Glaire.
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