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Page:La sainte Bible selon la Vulgate traduite en français, avec des notes par J.-B. Glaire. Nouvelle édition avec introductions, notes complémentaires et appendices par F. Vigouroux (1905).djvu/2966

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APOCALYPSE DE SAINT JEAN.


pasteurs, les descriptions du ciel, des anges, des martyrs, etc., n’ont pas l’avenir pour objet, et sont aussi clairs que frappants. « Les avertissements moraux et les sentiments de piété, d’adoration, d’actions de grâces envers Dieu et envers Jésus-Christ sont admirables dans ce livre, » dit Bossuet. — Et même dans la partie prophétique, il s’en faut bien que tout soit obscur, ou que l’obscurité soit si grande. Il est vrai qu’à l’origine il n’était pas facile d’en préciser le sens ; mais les événements ont fait le jour, et les interprètes ont expliqué le texte. Nous avons à cet égard sur les chrétiens des premiers siècles le même avantage que ceux-ci avaient sur les Juifs pour les prophéties messianiques. Celles qui nous semblent les plus claires ont passé d’abord pour des énigmes. Aujourd’hui nous admirons la vérité du tableau et la précision des traits. Pour ce qui reste à accomplir, « je le laisse, dit Bossuet, à ceux qui en savent plus que moi : car je tremble en mettant les mains sur l’avenir ; » néanmoins, on a une certaine vue des événements prédits et de leurs principaux caractères. Par exemple, on ne saurait dire au juste quels faits précéderont la fin du monde, ce que sera l’Antéchrist quand il viendra, ce que c’est que Gog et Magog, comment aura lieu la résurrection, etc. Mais on comprend très bien que la résurrection et le jugement mettront fin à la durée du monde, qu’il y aura auparavant des épreuves terribles, un grand séducteur et un grand persécuteur : n’est-ce pas assez pour craindre et louer Dieu, pour s’attacher à son service, se confier en sa providence, se détacher de tout et aspirer au ciel? »

Il est certain néanmoins que ce livre a ses difficultés. Ce n’est pas une histoire, comme les Evangiles, ni un traité ou une exhortation, comme les Epîtres : c’est un livre prophétique, rempli de prédictions et de symboles, double source d’obscurité, double écueil pour les esprits peu accoutumés aux figures de la Bible, peu versés dans l’histoire ecclésiastique ou qui portent dans cette étude des préoccupations de système ou de parti.

Les prédictions n’ont jamais la clarté des récits. Souvent elles n’offrent qu’une esquisse, un aperçu, un sommaire des événements à venir. Quand elles seront réalisées, les faits en feront ressortir la signification et écarteront les imaginations erronées. Mais jusque-là, il est naturel qu’elles donnent lieu à des conjectures et qu’elles se prêtent à diverses combinaisons. C’est ce qui est arrivé, avons-nous dit, aux prophéties de l’Ancien Testament.

La nature du langage symbolique ajoute à la difficulté pour ceux qui ne sont pas familiarisés avec le style prophétique. Comme S. Jean découvre l’avenir en vision, il le décrit sous forme de tableaux, d’images emblématiques. Sous sa plume, les choses les plus spirituelles prennent un corps ; les êtres inanimés eux-mêmes agissent et parlent. Les ministres de Dieu deviennent des anges, des astres, des êtres fantastiques. L’empire est une cité, l’Eglise un temple, les arrêts du Sauveur un glaive. Un nom s’exprime en chiffre. Un chiffre reçoit une valeur indéterminée, purement relative. Mille ans signifient une période très longue. Dix jours indiquent un court espace de temps. Ce langage a son mérite : il est vif, rapide, frappant ; mais il a aussi ses défauts. S’il met les objets en relief, c’est en un point seulement, en laissant dans l’ombre les contours. Les esprits aventureux s’y donnent libre carrière ; les esprits minutieux, qui veulent qu’on leur précise chaque chose, se plaignent de ne rien saisir. Ceux qui ont peu étudié les prophètes s’étonnent qu’on ne prenne pas à la lettre toutes les figures : la terre qui tremble, les montagnes qui chancellent, les astres qui