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Page:Labé - Œuvres, t. 1-2, éd. Boy, 1887.djvu/285

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ET LES ŒUVRES DE LOUISE LABÉ.


reste seulement des noms et quelques vers, conservés dans les ouvrages de l’époque avec les éloges des contemporains. L’inspiration, l’influence d’un événement, les conseils d’une personne, le milieu ou la mode, portaient à écrire des vers qu’on adressait à ses amis ; mais les femmes n’écrivaient pas par calcul et en vue de l’impression : de là, sans doute, une partie du naturel et du charme des ouvrages de ce temps. Aussi la conviction que ses écrits méritaient « quelque gloire » ne suffisait pas à Louise Labé pour la laisser « se montrer volontiers en public seule, » suivant ses propres expressions. C’est alors et à la dernière minute — le 24 juillet 1555 — qu’elle choisit Clémence de Bourges, une toute jeune fille de grande famille lyonnaise, pour lui dédier son livre.

On ne pouvait mettre plus adroitement une sourdine aux « sornettes » qui commençaient à courir, et qui ne devaient pas manquer de s’amplifier au lendemain de l’apparition d’un livre tout entier consacré à l’amour. Aujourd’hui encore, l’épître à cette noble jeune fille, dont elle se signe l’humble amie, est la réponse la plus péremptoire aux « Brocardeurs » de Billon et aux témoins du procès de Genève. Quand la fille de Claude de Bourges mourut, bien jeune encore, sept ans environ après que la Belle Cordière lui avait dédié son livre, les contemporains furent unanimes dans l’éloge, et le peuple lui-même s’associa à ces éloges des poètes et des historiens, alors qu’on la portait au cimetière avec le visage découvert, la robe blanche et la couronne