N’atendez point, Iupiter, & vous autres Dieus immortels, que ie commence mon oraiſon par excuſes (comme quelquefois font les Orateurs, qui creignent eſtre blamez, quand ils ſoutiennent des causes apertement mauuaiſes), de ce qu’ay pris en main la defenſe de Folie, & meſmes contre Cupidon, auquel ay en pluſieurs endrois porté tant d’obéiſſance, qu’il auroit raiſon de m’eſtimer tout ſien : & ay tant aymé la mere, que n’ay iamais eſpargné mes allees & venues, tant qu’ay pensé lui faire quelque chose agreable. La cauſe, que ie defens, est ſi iuſte, que ceux meſmes qui ont parlé au contraire, apres m’auoir ouy changeront d’opinion. L’iſſue du diferent, comme i’eſpere, ſera telle, que meſme Amour quelque jour me remercira de ce ſeruice, que contre lui ie fay a Folie. Cette queſtion eſt entre deus amis, qui ne ſont pas ſi outrez l’un enuers l’autre, que quelque matin ne ſe puiſſent reconcilier, & prendre plaiſir l’un de l’autre, comme au parauant. Si à l’apetit de l’un, vous chaſſez l’autre, quand ce deſir de vengeance ſera paſſé (laquelle incontinent qu’elle eſt achevee commence à deſplaire : ) ſi vous ordonnez quelque cas contre Folie, Amour en aura le premier regret. Et n’eſtoit cette ancienne amitié & aliance de ces deus, meintenant auerſaires, qui les faiſoit ſi uniz & conioins, que iamais n’auez fait faueur à l’un, que l’autre ne s’en ſoit ſenti : ie me defierois bien que puiſſiez donner bon ordre ſur ce diferent, ayant tous suivi Amour fors Pallas :