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Roman illustré du « Soleil »
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rendre un dernier hommage à ces héros fauchés par la mort.

Jean Desgrives auréolé de la gloire que lui avaient méritée son courage et sa bravoure, regardait, grave et triste, la foule qui l’acclamait. La pensée du sacrifice de Rita lui travaillait le cœur, un vague pressentiment lui faisant presque deviner l’affreuse réalité. Lorsque cette foule bruyante se dispersa, il quitta ses soldats, fit venir un rapide coursier et se rendit à la prison où l’on avait du incarcérer la malheureuse.

Le garde surpris par l’arrivée de l’officier, mais sans trop remarquer sa figure, se disposait à le questionner, lorsque Jean Desgrives, reconnaissant en cet homme le soldat chargé de son arrestation, ne lui laissa pas le temps de parler et vivement lui dit :

— Les circonstances tragiques et si extraordinaires qui nous ont mis face à face, l’un de i’autre, devraient vous faire souvenir de mes traits comme je me souviens des vôtres. Il me semble qu’il n’est pas possible que votre esprit ait oublié aussi promptement un événement si extraordinaire.

À ces mots, le garde releva la tête, reconnaissant le commandant Jean Desgrives, une surprise indescriptible se peignit sur ses traits.

— Vous ici, fit-il, se parlant comme à lui-même, mais ce n’est pas possible, je me trompe, je suis sans doute sous l’effet d’une hallucination.

— Vous êtes bien dans la réalité, dit Jean Desgrives en s’approchant davantage du garde. Vous avez devant vous le commandant Desgrives et vous devinez sans doute le but de ma visite. C’est ce qui vous jette dans la consternation.

— Ne me condamnez pas, je vous prie ! Si vous pouviez savoir combien ce sombre drame demeure douloureusement gravé dans mon esprit, je suis sûr que vous ne me parleriez pas ainsi. C’est justement ce