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Roman illustré du « Soleil »
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soleil qui inondent l’appartement dans lequel se trouve Jean Desgrives, font entrevoir dans sa chevelure de nombreux fils d’argent. Ce sont là les seuls indices qui révèlent le passage des années, qui ont fui avec tant de rapidité. Cet homme qui s’illustra jadis en sauvant la France, n’a rien perdu de sa beauté, ni de son élégance ; ses traits énergiques reflètent en cet Instant une profonde tristesse, qui rehausse davantage son air imposant et noble.

Tout à sa profonde méditation, il ne semble pas s’apercevoir que la porte vient de s’ouvrir et que la baronne de Castel, sa jeune épouse, divinement belle dans sa robe de velours sombre, s’avance avec hésitation. Elle eût préféré ne pas troubler son profond recueillement et discrètement se retirer, mais l’étrange visiteur qui venait de lui remettre la carte qu’elle tenait entre ses mains, l’avait supplié avec tant d’insistance, qu’elle n’avait pu rester sourde à sa prière. Ignorant alors quels pouvaient être les motifs sérieux qui lui faisaient désirer si ardemment l’entrevue qu’il sollicitait, elle avait cru bon de prévenir le commandant, afin qu’il puisse lui-même juger et se rendre, si bon lui semblait, au désir de cet inconnu.

— Jean, lui dit-elle, en appuyant légèrement sa main sur son épaule, vous me pardonnerez sans doute de venir par ma présence vous arracher à votre rêverie…J’aurais préféré vous éviter cette contrariété, mais il y a au château un visiteur qui m’a presque forcée de venir remettre la carte que voici, affirmant qu’il était d’une extrême importance pour vous de le recevoir. J’aurais cru mal agir en ne vous prévenant pas, et vous voyez, j’y suis venue au risque même de vous importuner.

— M’importuner, dites-vous ? mais nullement Lucia, au contraire, je suis fort heureux que vous m’ayez