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fin de roman

les premiers. Elle travaillait pour un salaire nominal, voulant elle aussi, assurer son salut. Madame Gertrude avait pour elle beaucoup d’estime. Luce devenait leur coopératrice. Elle ne fut pas longtemps sans apprendre et sans constater que Madame Gertrude jeûnait chaque matin. Elle jeûnait les trois cent soixante-cinq jours de l’année. Luce n’était pas animée d’un aussi beau zèle.

Les trois femmes se levaient le matin à six heures et demie et leur journée se terminait rarement avant huit heures du soir. Il y avait les repas à préparer et à servir, la vaisselle à nettoyer, les lits à faire, les chambres à balayer, les vêtements à recoudre ou à rapiécer, et, une fois par semaine, le blanchissage du linge de corps à la laveuse électrique.

Les pensionnaires n’étaient pas astreints à une discipline rigide. Ils avaient une salle d’amusements où ils pouvaient jouer aux cartes, aux dames, aux dominos. Ceux qui voulaient sortir étaient libres de le faire. Plusieurs qui avaient été de pauvres hères toute leur vie et qui avaient exercé de petits métiers, partaient après le déjeuner et ne rentraient que le soir. L’hiver, ils enlevaient des perrons et des escaliers la neige qui les encombrait et, au printemps, ils nettoyaient les pelouses ou les terrains en avant des maisons. Ils s’efforçaient de trouver quelque besogne qui leur rapporterait un peu de menue monnaie avec laquelle ils s’achetaient du tabac, une ou deux bouteilles de bière ou une chopine de whisky frelaté qu’ils buvaient assis au soleil, dans une ruelle. Quelques-uns mendiaient. Il s’agissait de trouver quelques sous pour satisfaire ses petits penchants.

La maison des Douze pauvres du bon Dieu possédait quatre chambres à coucher pour les pensionnaires. Trois