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fin de roman

nombreuses années était déjà fait. Le caractère de la veuve qui avait toujours été très doux, très calme, très délicat, changea complètement.

M. Lebrun laissait à sa femme une petite fortune de $40,000 dont le revenu était plus que suffisant pour subvenir à tous ses besoins. Quelques mois après la mort de son mari, sa veuve abandonna la maison où elle avait vécu pendant plus de trente ans et qui était maintenant beaucoup trop vaste pour elle et elle alla s’installer dans un minuscule appartement. Valentine lui avait offert de la prendre avec elle, mais elle avait refusé. Ce qu’elle voulait, c’était de vivre seule.

Bientôt, cependant, sa santé laissa à désirer. Elle éprouvait des douleurs qui la troublaient, l’inquiétaient fort. La vieille femme était réellement malade, mais elle refusait de voir le médecin. Puis, il ne fallait pas insister en lui suggérant telle ou telle chose, car elle s’emportait, devenait violente, brutale, grossière même. Ses filles ne la reconnaissaient plus. C’était une autre personnalité qui succédait à l’ancienne. Une étrangère qui les déroutait, les affligeait.

Valentine lui rendait de fréquentes visites, mais Rosabelle qui voulait vivre une vie exempte de soucis, qui ne se préoccupait de rien, sinon de sa petite personne, se dérangeait plus rarement, mais chaque fois qu’elle allait la voir, elle lui apportait une crème glacée, une boîte de bonbons et quelques fleurs : deux roses, trois ou quatre jacinthes qu’elle plaçait en arrivant dans un joli vase en porcelaine, placé sur le bureau de toilette. Ces délicates attentions de sa fille plaisaient fort à la vieille femme. Puis, tout en causant, Rosabelle coiffait sa mère, lui mettait un peu de rouge sur les joues, lui débitait un petit compliment. Or, un jour