Page:Laberge - Fin de roman, 1951.djvu/63

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LE FAUX INCENDIAIRE


Le samedi à onze heures, leur journée finie, leur paye dans leur poche, les trois journalistes sortirent du bureau. Sur le pas de la porte, ils s’arrêtèrent un moment, indécis. François Le Monnier, le plus âgé du trio, leva la tête, interrogea une seconde du regard le ciel gris et terne, huma l’air humide et visqueux, puis comme si toute la tristesse et le froid de ce jour de novembre lui eussent embrumé le cœur, il releva le collet de son paletot et, abruti, enfonça les mains dans ses poches. L’âme soudain rogue, Marcel Leduc déclara : « Un beau temps pour pendre un homme. C’est dommage qu’il n’y ait pas d’exécution aujourd’hui, on pourrait se distraire. »

Omer Deschamps trouva alors le mot de la situation : « Mes vieux, » dit-il, « je paie un coup. »

Les deux autres acquiescèrent d’un signe. Ils se rangèrent l’un à la droite et l’autre à la gauche de leur camarade.

Et ils déambulèrent vers le prochain bar. À cause du nombre trop grand des buveurs groupés au comptoir, les trois copains s’installèrent dans le petit cabinet à côté de l’entrée et commandèrent trois copieux gins.