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fin de roman

la tuberculose qui avait emporté son père et sa sœur Lilliane. Avec effroi, elle sentait la menace qui planait sur elle. La mort lui inspirait une peur irraisonnée, lui faisait horreur. Alors, elle restait là, étendue dans son lit, agitée de pensées lugubres et ne pouvant réussir à s’endormir. Souvent, à ces moments, elle aurait désiré prendre un somnifère, mais le jour arrivé, elle ne pouvait se décider à s’en procurer, car elle redoutait ces drogues. Lorsqu’elle s’éveillait dans la nuit, elle ne pouvait presque pas réussir à se rendormir et elle se levait le matin fatiguée, épuisée. Si les nuits étaient pénibles, que dire des interminables journées de pluie alors qu’elle était forcée de rester enfermée dans sa maison ? Il lui semblait alors qu’elle avait le cœur recroquevillé et se sentait infiniment malheureuse. Dans ces longues heures, elle ne pensait qu’à la mort et les images de son père et de sa sœur disparus semblaient lui tenir compagnie dans la maison silencieuse.

L’hiver s’écoula lentement. Suivant la recommandation du médecin, Mme Frigon passait la plus grande partie de sa journée étendue dans une chaise longue dans son living-room. Toutefois, elle négligeait son régime et au lieu de viandes riches et saignantes, se nourrissait de conserves. Et son mari devait faire de même. Ensuite, après son frugal souper, il allumait sa pipe et fumait en silence toute la soirée en pensant à des choses…

Ah ! ce n’était pas une vie excitante, mais elle convenait à ces deux êtres.

Au printemps, lorsque le chaud et vivifiant soleil eut commencé à faire sortir les bourgeons, à faire naître la végétation, Mme Frigon installa sa chaise longue sur la pelouse en avant de la maison et elle passait presque toute sa journée là, sans remuer, ne se levant que pour se préparer