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fin de roman

— Vrai ? Bien vrai ?

Et ce disant, elle mit la main dans sa poche de manteau.

— Tiens, lis donc ça, dit-elle en lui tendant la lettre.

Intrigué, il se mit à lire pendant qu’elle l’observait afin de voir la répercussion sur sa figure. Il paraissait tout surpris, tout troublé. Une minute, il garda le silence, se demandant ce qu’il allait dire, quelle explication il pourrait fournir.

Alors, comme pour attester de la véracité de la lettre, la jeune femme, d’un faible geste, indiqua un cheveu noir qui se détachait sur le revers du veston gris pâle de l’homme.

Puis, comme le mari paraissait maintenant tout stupide :

Tu aurais bien pu attendre que je sois morte pour agir ainsi, fit l’épouse trahie.

D’un geste rageur, l’homme saisit le cheveu accusateur et le jeta sur le sol. Quelques minutes plus tard, après un bref adieu, il retournait à la ville. Il ne devait pas la revoir vivante.

En quelques jours, elle avait glissé dans la mort.

Sans revolver, sans couteau, ni poison, l’auteur de la lettre anonyme — sûrement une femme — avait, sans danger pour lui, tué de loin une pauvre malade, mère de deux enfants.

Cette fin si triste affecta péniblement Mme Frigon. Déjà, deux de ses sœurs avaient payé leur tribut à la fatalité qui pesait sur la famille, la redoutable tuberculose dont elle était atteinte elle-même, qui la menaçait. Consulté, le médecin, après un sérieux examen, déclara qu’il n’y avait pas de danger immédiat mais qu’il fallait être très pruden-