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IMAGES DE LA VIE

le revenu. Il était condamné d’avance. Des juges intègres lui imposèrent une sentence de onze ans de pénitencier. On l’interna à Alcatraz, institution pénale où sont détenus les pires criminels des États-Unis. À quel régime, à quelles tortures fut-il soumis par les brutes chargées de veiller sur les bagnards ? Nul ne le saura jamais. Les murs de forteresse de cet enfer des maudits écrasés par la vindicte de la société ne parlent pas. Et les cachots sans air et sans lumière dans lesquels pourrissent dans une abjecte saleté les damnés qu’on y a renfermés ne racontent pas d’histoires. Lorsqu’il entra dans cette infâme geôle, Al Capone jouissait d’une robuste constitution. Lorsqu’il en sortit après sept ans et demi de réclusion, il était une ruine physique et à moitié fou. Il est mort le 25 janvier 1947 à l’âge de 48 ans après avoir été libéré en 1939.

Je n’ai pas voulu faire l’oraison funèbre d’Al Capone. Simplement, j’ai tenté de montrer qu’il était le produit direct de l’état de choses amené par la loi stupide, vexatoire et hypocrite de la prohibition. L’auteur de ces lignes ne fait pas usage d’alcool, il ne l’aime pas. Toutefois, il ne croit avoir aucun mérite à cela et il ne s’en targue pas. Ses parents non plus n’en faisaient pas usage et si cette hérédité qu’il leur doit était le seul héritage qu’il aurait reçu d’eux, il leur en serait encore reconnaissant, mais de ce qu’il est tempérant de nature, il ne saurait s’en prévaloir pour condamner ceux qui aiment la bière et le whiskey. Et lorsque tout un peuple est injustement privé par quelques fanatiques de l’alcool qu’il réclame, il nous semble injuste de condamner celui qui a tenté de lui procurer la bienheureuse bouteille.

Ah ! s’il avait simplement partagé avec le gouvernement les énormes profits qu’il encaissait dans ce « maudit » commerce il aurait été absous de ses fautes et il jouirait en paix de sa fortune.

L’homme qui vous parle paie son impôt sur le revenu. Il le paie, non par goût, non par patriotisme, ni parce qu’il s’y sent contraint par une obligation morale. Il le paie parce qu’il y est forcé, parce qu’il sait qu’il aurait des ennuis s’il tentait de se soustraire à cette mesure. Il paie, sachant qu’il