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IMAGES DE LA VIE

EN MARGE D’UNE ANNONCE


C’est d’une annonce parue dans un journal que je veux vous parler. La plus belle annonce jamais rencontrée en trente-six ans de journalisme.

La plus belle parce que la plus simple, la plus vraie, la plus convaincante. Une annonce écrite par un homme de génie.

Je travaillais à « La Presse » depuis dix-huit mois environ, lorsqu’une fin d’après-midi, je ramassai un journal de Chicago qui traînait sur un bureau dans la salle de rédaction. Je le feuilletais distraitement lorsque je tombai soudain sur une annonce qui m’empoigna dès la première ligne et que je lus avec un intérêt passionnant.

C’était un particulier qui invitait le public à lui envoyer son argent afin de le parier pour lui sur les courses.

« Envoyez-moi votre argent, disait-il. Je ne vous promets pas dix, vingt, trente, quarante ou cinquante pour cent, je vous promets simplement de faire de mon mieux pour vous donner un rendement honnête et généreux. Ayez confiance en moi, confiez-moi votre argent et je le ferai fructifier ». Et il continuait :

« Probablement que vous êtes jeune, en bonne santé, que vous occupez un bon emploi, mais vous vieillirez, vous pouvez tomber malade, vous pouvez perdre votre position, mais votre argent, lui, restera toujours jeune, il ne sera jamais malade, il n’aura même pas besoin de vacances.

« Envoyez-moi votre argent et je le ferai travailler pour vous ».

Et la vérité fulgurante entra en moi, tel un couteau qui s’enfonce dans la chair. En un instant, je réalisai ces choses auxquelles ne pense guère un jeune homme de vingt-six ou