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IMAGES DE LA VIE

PASTORALE


Avant de commencer à laver sa vaisselle après le souper, la grande Philomène Lemire se tournant vers son fils Paul qui se grattait énergiquement la tête, lui dit : Demain matin, tu te lèveras de bonne heure et tu feras le beurre avant que le soleil ne chauffe.

— Pis, qui est-ce qui va aller chercher les vaches dans le pacage ? interrogea le garçon.

— Ton grand-père ira. Ça lui fera du bien de marcher un peu avant de déjeuner.

— Mais, ma fille, fit le vieux immobile sur sa chaise, à côté de la table, je ne me sens pas ben en toute. J’sais pas si je serai capable.

— Allons, papa, vous êtes toujours à la dernière extrémité. Si on vous écoutait, on irait chercher le curé chaque semaine pour vous administrer l’extrême-onction. Vous n’en mourrez pas, pour une fois, d’aller chercher les vaches.

Le vieux ne savait trop que répondre. Il n’avait pas été chanceux dans la vie et n’avait amassé aucun bien. Alors, il vivait aux crochets de sa fille, veuve avec un garçon de douze ans et qui exploitait une petite ferme voisine de la fromagerie. Naturellement, lorsqu’elle lui demandait de faire une mince besogne, c’était difficile de refuser.

— Ce soir, finit-il par dire, je suis réellement mal. C’est le cœur qui ne va pas. Je ne sais pas comment je me sentirai demain matin.

— C’est ça, continuez de vous plaindre, riposta la grande Philomène. Dans tous les cas, je ne peux pas tout faire seule, ici. Que chacun fasse sa part.

Là-dessus, elle se mit à laver sa vaisselle, songeant aux difficultés de gagner sa vie.