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IMAGES DE LA VIE

vourer l’âcre volupté de sa douleur, elle se mit à clamer : Mort ! mort ! mort !

Brusquement, elle se dévêtit, faisant en quelques instants tomber ses vêtements à ses pieds. Alors, nue comme l’homme aimé, elle se dressa devant lui, les bras tendus comme en offrande. Puis, prise d’une inspiration subite, elle courut à la cheminée du foyer, saisit un revolver placé en arrière d’un vase et revint près du cadavre attaché au plafond. Alors, d’une voix entrecoupée de sanglots, elle déclara : Je t’ai donné mon amour, je t’ai donné mon corps, maintenant, je te donne ma vie. À ce dernier mot, elle porta le canon de l’arme à sa tempe et tira. Au bruit de l’explosion, elle s’écrasa sur le carreau où le sang se mit à couler et à se répandre en lignes bizarres. De nouveau, le silence enveloppa la chambre que baignait la nuit bleue. Les heures devaient continuer de s’écouler, mais, pour les deux corps, l’un suspendu à une solive et l’autre étendu sur le plancher, il n’y aurait plus jamais de réveil, plus jamais de demain. Ils étaient entrés dans l’abîme sans fond de l’éternité.

Voilà l’étrange rêve que j’ai fait la nuit dernière.