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LA SCOUINE

forma de l’endroit précis où demeurait son débiteur. Il ne fut pas peu étonné d’apprendre qu’il s’était trompé de chemin et qu’il était encore à trois quarts d’heure de marche de sa destination. Lorsque le jeune garçon fut revenu, on constata que l’essieu de la charrette était brûlant.

— Il avait un fameux besoin d’être graissé. Merci ben des fois, dit Charlot en remontant en voiture.

Ironique, l’homme se tourna du côté de son fils :

— I en faut ben des marcis pour faire ane piasse.

Les trois promeneurs entendirent. La Scouine rougit un peu, Bagon tira une plus forte bouffée de sa pipe de plâtre, et Charlot flanqua un coup de hart à son cheval. Il était quatre heures lorsqu’ils arrivèrent enfin au terme de leur voyage. Personne ne vint ouvrir après que Charlot eut frappé à la porte, mais un garçon d’une douzaine d’années apparut, venant du côté des dépendances. Aux questions de Charlot, il répondit que son père et sa mère étaient partis le matin pour aller se promener chez son pépère et qu’ils ne reviendraient que le soir, tard. Ce fut pour Charlot un rude désappointement. Il ne fallait pas songer à attendre si longtemps, mais il était nécessaire de laisser reposer un peu le poulain épuisé.

Le retour s’effectua en silence et au pas. Charlot et ses compagnons paraissaient bourrus et de mauvaise humeur. Ils avaient encore dans l’oreille le grincement de la roue et les éclats de rire des gamins à leur passage. Chacun revenait désappointé, déçu. Charlot craignait maintenant pour son argent. Avec cela, la faim se faisait sentir. Bagon disait