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XXV.



LA Scouine avait chaque printemps la charge de prendre soin des veaux. C’était une tâche qui lui convenait parfaitement, et elle s’en acquittait non sans compétence. Matin et soir, suivant leur âge, elle leur donnait du lait chaud, du lait écrémé ou simplement du thé de foin. Lorsqu’elle apparaissait le matin à la barrière de l’enclos, la bande s’élançait vers elle, les plus forts chargeant les plus faibles. Ils l’entouraient, la pressaient. Les plus vigoureux plongeaient la tête dans la chaudière, l’enfonçaient à moitié dans le liquide blanc et tiède, buvant avidement. Les autres meuglaient très haut, donnaient des coups de tête, tournaient autour du baquet, attendant impatiemment leur tour. Paulima une hart à la main, était obligée de les écarter pour les empêcher de renverser le vaisseau. Après s’être abreuvés, les veaux, la tête toute humide de lait, se tétaient longuement les oreilles, immobiles près de la clôture. D’autres se frottaient le museau contre les jambes de la Scouine, s’essuyant le mufle sur sa jupe. Partait-elle, tous l’accompagnaient, la poursuivaient, se collant à elle et meuglant plus fort. Pour les écarter un peu, s’en débarrasser, elle était obligée de les frapper. Entrebâillant alors brusquement la barrière, elle passait de l’autre côté, et mettait cet obstacle entre elle et les veaux. C’était alors pendant plusieurs minutes un formidable concert de meuglements. Avec les tout jeunes veaux cependant, les choses ne se passaient pas tout à fait ainsi. Ils refu-