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XXVIII.



LA Scouine avait besoin de bottines. Un dimanche après-midi de février donc, se rendant à la messe avec Charlot, elle arrêta chez Maxime Thouin, cordonnier au canal. Établi là depuis trois mois, Thouin avait loué une vieille maison en bois, très basse, accroupie sur le roc. Une moitié lui servait de logis et l’autre de boutique. Cloué à un piquet, un bout de planche taillé en forme de botte, peint en noir, jouait le rôle d’enseigne.

Quatre ou cinq figures barbouillées d’enfants et une tête de femme dépeignée apparurent aux carreaux salis de la fenêtre lorsque la voiture s’arrêta devant la porte. Des os, des pelures de légumes, des détritus de toutes sortes, jonchaient les abords du perron. Débraillé, en manches de chemises, le pantalon troué au genou et retenu par une courroie en cuir, une longue moustache noire pendante, l’homme vint ouvrir. Il parlait lentement, comme si chaque parole lui eût coûté un pénible effort. Quelques outils et des formes traînaient ici et là dans la pièce vide d’ameublement, sauf un banc. Une atmosphère de paresse et de misère pesait lourdement sur cette échoppe. Thouin prit la mesure et promit les chaussures pour le dimanche suivant.

— J’sus pas chérant. Apportez-moi deux poches de patates, et j’vous donnerai une bonne paire de bottines, déclara-t-il.