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Page:Laberge - La Scouine, 1918.djvu/23

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LA SCOUINE

montré à la jeune fille un panorama qui avait scandalisé les enfants. Pâle de rage, la maîtresse était demeurée muette sous l’insulte infamante.

Un samedi, Mâço avait rapporté du village des bottines pour ses deux filles. Le dimanche après-midi, les bessonnes étaient parties pour aller aux fraises avec leurs chaussures neuves. Celles de Caroline, un peu étroites, lui blessaient les pieds. Elle en avait ôté une et l’avait mise sur le bord du fossé. Au moment de retourner à la maison, elle avait été incapable de retrouver la bottine. Caroline s’était mise à pleurer en songeant aux reproches qu’elle aurait de son père. Perdre des bottines qui avaient coûté neuf francs ! Affolée, elle avait cherché, cherché partout, dans cette verdure réceleuse, sans rien trouver. Courbée en deux et courant presque, elle cherchait en pleurant, les yeux fouillant dans les longues herbes souples, lui frôlant les jambes.

— Que dira poupa ? se demandait-elle avec terreur.

Finalement, elle retrouvait la bottine au fond du fossé.