Page:Laberge - La Scouine, 1918.djvu/57

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
43
LA SCOUINE

fine laine blanche. Et l’idée d’une farce lui vint. Rapidement, il enleva les nippes sales qu’il avait aux pieds et les remplaça par des chaussons neufs blancs et doux comme de la soie. Ayant ensuite soigneusement reficelé le colis, il rentra réjoui à la maison. Le poêle était déjà allumé et Urgèle Deschamps assis, tisonnait le feu en attendant le réveil de ses fils. Tifa se jeta à genoux, demandant la bénédiction paternelle. Ses frères ne tardèrent pas à paraître et en firent autant. Un cruchon de rhum et des verres étaient sur la table. Mâço remplit les coupes et l’on but aux chances de chacun pendant la nouvelle année.

Le vieux, son gendre et ses fils étaient assis en cercle autour du poêle. Les « créatures » se levaient à leur tour. On entendait pleurer un enfant.

L’on se mit à parler des femmes ; et chacun de vanter la sienne.

— Allons, voulez-vous que je vous dise qui a la meilleure ? interrogea tout à coup le père Deschamps.

Les fils se mirent à le regarder, se demandant quelle était l’idée du vieux.

— Déchaussez-vous tous et je vous le dirai.

— Allons, je vais commencer, fit le père. Et rapidement, il enleva ses mocassins. Chacun aperçut une bonne chaussette grise, épaisse et chaude.

Mais alarmée, Malvina, la femme de Raclor, qui avait compris où Deschamps voulait en venir, intervint :

— Vous savez je ne prétends pas être plus travaillante qu’une autre, mais j’ai fait mon lavage jeudi, et le linge au lieu de sécher a gelé. Comme nous sommes partis un peu pressés, on s’est mis comme on a pu.