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Page:Laberge - La Scouine, 1918.djvu/96

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LA SCOUINE

sans défense. Elle les harcelait la journée, et le soir venu, ils n’osaient dormir. Infiniment malheureux, la solitude et les ténèbres les affolaient. Leurs pieds nus effleuraient nerveusement le plancher et dans leur couche, ils se recroquevillaient, se serraient en rond les uns contre les autres dans une attente angoissante. Épouvantés, ils ne pouvaient fermer les yeux et soudain, éclataient en sanglots.

St-Onge, le veuf, fit dignement les choses. Il commanda des funérailles de première classe et retint le corbillard à deux chevaux.

De retour à la maison, la Scouine s’empressait d’aller raconter à la mère Lecomte la pompe de la cérémonie.

— Un beau service, mame Lecomte, un chariot haut comme un voyage de foin.

Et elle accumulait les détails, s’animant, bavardant, gonflée d’orgueilleuse satisfaction. Et voilà qu’elle salivait, que ses grosses lèvres épaisses, lançaient jusque dans la figure de la vieille femme de petits grains humides que celle-ci essuyait avec son tablier bleu. Toute glorieuse, la Scouine déclarait :

— M’sieu l’curé a dit qu’il avait jamais vu d’aussi beau cercueil dans son église, jamais vu d’aussi beau cercueil.