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LE DESTIN DES HOMMES

— Moi, je n’en demande pas tant, répondit le fils. Je voudrais réussir à payer sans trop de misère les salaires de nos employés et de régler nos comptes en retard.

— Tout ça c’est bien beau, fit la fille à son tour. Mais moi, je serais satisfaite de trouver un bon garçon avec du jugement qui m’épouserait et me ferait vivre modestement.

— Puis, qu’est-ce que c’est encore cette autre folle embardée dans laquelle tu veux te lancer ? interrogea sa femme.

Ainsi invité à parler, M. Lafleur raconta avec enthousiasme ce qui était arrivé et déclara que l’homme qu’il avait mis sous contrat avait l’étoffe d’un champion.

— L’étoffe, l’étoffe, grommela Mme  Lafleur. C’est peut-être seulement de la guenille.

Un peu refroidi par ce sarcasme, cette hostilité qu’il connaissait trop, le mari garda un moment le silence, puis il reprit son plaidoyer en faveur de Brisebois, expliquant qu’avec le physique qu’il possédait et bien entraîné, il arriverait sûrement au premier rang et rapporterait un jour des profits infiniment supérieurs à tous les déboursés qu’il aurait coûtés.

— Oui, mais en attendant que la manne tombe du ciel, c’est un grand paresseux qu’il nous faudra faire vivre.

— Dans toute entreprise, avant d’encaisser des bénéfices, il faut faire des déboursés, déclara M. Lafleur, et vous verrez que c’est un bon placement. Dans tous les cas, ajouta-t-il, je vais vous amener mon homme souper ici demain soir et vous pourrez juger par vous-mêmes que j’ai de bonnes raisons d’être confiant et optimiste.

— Tu ne t’imagines pas que je vais préparer un banquet pour le recevoir, déclara Mme  Lafleur.