Page:Laberge - Le destin des hommes, 1950.djvu/207

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
205
LE DESTIN DES HOMMES

d’octobre, lorsque la nature donnait sa grande féérie de l’automne. Le feuillage coloré des arbres dans la montagne offrait un merveilleux spectacle et cela mit un peu de joie dans l’âme de la pauvre femme. Puis, elle espérait faire un succès de son entreprise. C’est alors qu’elle accrocha trois chapeaux de femmes dans sa fenêtre ainsi qu’une feuille illustrée, montrant divers modèles de manteaux et qu’elle mit dans sa porte une pancarte portant le mot : MODISTE.

Regardant le terrain en avant de sa maison, elle se dit : Le printemps prochain, je me ferai un jardin et j’aurai tous les légumes dont j’ai besoin.

L’ouverture du magasin de la veuve Rendon eut dans le petit village un succès de curiosité. Pendant les premiers jours, les femmes défilèrent devant le comptoir de la marchande mais à part de bavarder et de regarder, elles firent peu d’emplettes. Elles entraient et, d’un coup d’œil, inspectaient les marchandises installées sur les tablettes. Comme elles n’avaient pas l’intention d’acheter, elles demandaient des articles qu’elles supposaient n’être pas là.

— Avez-vous des bas de nylon ? s’informa la femme du boulanger.

— J’ai pu en en avoir six paires seulement, répondit la marchande qui, en réalité, n’en avait que deux paires, mais qui devinait que la cliente n’était pas sérieuse.

Et ce disant, elle ouvrit une boîte et étala une belle paire de bas devant la femme surprise.

— Combien vendez-vous ça ?

— Une piastre et vingt-cinq sous.

— C’est cher. Je voulais payer une piastre et dix au plus. C’est d’ailleurs ce qu’ils se vendent chez Gendron.