Page:Laberge - Le destin des hommes, 1950.djvu/54

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
52
LE DESTIN DES HOMMES

dre toute leur souplesse. Quand on a la chance d’être bâti comme ça, on ne se livre pas à des besognes comme celles que tu fais ici.

Alors, lorsqu’il fut payé pour sa quinzaine, Urgel se dit : Je vais me chercher une autre job.

Cette fois, il alla se placer dans une filature de coton. Ah, oui, le travail était moins dur, moins pénible.

Un jour, à l’heure du midi alors que les ouvriers mangeaient les sandwiches qu’ils avaient apportés de la maison, Urgel ne put résister à la tentation d’exhiber ses puissants biceps.

— Mais, mon vieux, à quoi songes-tu ? fit un camarade. Quand on possède des bras comme les tiens on choisit un autre gagne-pain. Ce n’est pas à conduire un métier à tisser que tu vas conserver tes muscles. Ils ne fournissent aucun effort et ils vont devenir mous comme de la guénille. Urgel resta songeur. Sa journée faite, il rejoignit l’homme qui lui avait fait cette remarque.

— À ma place, qu’est-ce que tu ferais ? demanda-t-il.

— Oh, moi je ne sais pas. Peut-être bien que je donnerais des exhibitions de force dans des clubs de sport.

Pour lors, Urgel se mit en quête d’un club de sport. Le hasard le conduisit au Club haltérophile Atlas. M. Prime Bardu, le propriétaire et gérant était un charmant homme, beau parleur, tout de suite familier. Comme il faisait partout, Urgel enleva son veston, son gilet et sa chemise, révélant au maître du gymnase la puissante musculature dont la nature l’avait gratifié. M. Bardu parut émerveillé. Montrant un haltère à son visiteur : Essayez donc de mettre ce poids au bout du bras, fit-il.

Urgel prit la masse de fer et d’un rude effort l’éleva au-dessus de sa tête.