mettant tout juste de vivre. Chaque année cependant, son père lui envoyait à la Noël un certain montant et il se promettait bien d’employer cet argent à acheter à cette époque un tableau de l’artiste. Et le visiteur s’en alla. Vers les derniers jours de décembre, le jeune anglais revint chez de Belle, et raconta qu’il venait justement de recevoir le mandat-poste de son père et qu’il venait chercher le pastel qu’il avait choisi lors de sa première visite. L’artiste regarda longuement le jeune homme, considéra le vêtement encore propre, mais élimé qu’il lui avait déjà vu une fois. Silencieusement, il enveloppa le tableau, le remit à son jeune ami, mais lorsque celui-ci lui tendit les billets de banque, il les repoussa doucement, disant : « Gardez cet argent pour vous acheter un complet neuf. Quant au pastel, je vous le donne avec mes meilleurs souhaits de joyeux Noël. »
Un petit incident suffira à montrer la nature généreuse de de Belle. Voyant un jour deux pauvres enfants arrêtés devant une vitrine et regardant, les yeux brillants de convoitise les jouets étalés là, il sortit de sa poche un billet de dix dollars, toute sa fortune en ce moment, et le donna à ces petits inconnus afin qu’ils pussent avoir quelques moments de joie. Ce trait nous révèle l’homme au grand cœur qu’est Charles de Belle.
C’est tout un volume qu’il faudrait pour raconter la touchante et pittoresque histoire du Peintre-Poète. Il y a quelques années, une journaliste américaine fit un long séjour à Montréal afin de recueillir les documents pour une vie de l’artiste. Trois semaines durant, elle écrivit sous sa dictée. Le livre devait s’intituler Paint, Pomp and Poverty. Munie de toutes les notes voulues, l’américaine partit, promettant d’envoyer une copie du volume dans quelques mois. Mais le temps a passé et de Belle n’a jamais eu de nouvelles de la journaliste ni du livre qu’elle projetait d’écrire.
Comme plusieurs autres peintres, de Belle est aussi sculpteur à ses heures. À vrai dire, il n’a jamais exécuté d’œuvres importantes dans ce genre, mais il m’a été donné de voir à son atelier nombre de statuettes en glaise qu’il avait modelées, statuettes empreintes de sentiment et de vérité qui, à elles
