LE NOTAIRE
ONSIEUR Anthime Daigneault dit Lafleur était
maître de poste de son village, marchand général et
horticulteur. Son père avait été notaire et les habitants
de la paroisse qui avaient vu grandir le fils l’appelaient
lui-même notaire, lui appliquant le qualificatif qu’ils
avaient toujours donné au vieux tabellion. C’était un homme
plaisant, aimant à causer et d’humeur égale. Il marchait
sur ses cinquante ans ; au premier coup d’œil, on ne lui en
eût pas donné plus que de quarante, mais lorsqu’on lui
parlait et qu’il ouvrait la bouche pour répondre, une bouche
sans dents, il donnait l’impression d’être plus âgé qu’il
n’était. Monsieur Daigneault était veuf depuis plus de
vingt ans, sa femme étant morte de tuberculose au bout de
cinq ans de ménage, après avoir langui pendant deux longues
années. Il ne s’était pas remarié, sa première expérience
ne lui ayant pas laissé de bons souvenirs. Deux
servantes, deux vieilles filles entretenaient sa maison et l’aidaient
aux travaux de son parterre, le plus beau du comté
et son orgueil. Françoise, âgée de quarante et un ans était
entrée à son service à l’âge de dix-huit ans. Elle avait pris
soin de sa femme malade et elle était restée dans la maison
après la mort de celle-ci. C’était une grosse et forte brune,