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VISAGES DE LA VIE ET DE LA MORT

Ce qui devait arriver arriva. Oubliant qu’il avait une liaison là-bas, Léo Destrier demanda à la jeune fille de devenir sa femme. Il fut accepté car dès les premiers jours de leur rencontre, la nouvelle venue lui avait voué un amour fervent et profond.

La cérémonie du mariage eut lieu à Paris. La veille, l’artiste écrivit à son amie de Montréal, l’informant de ce qui arrivait. Il ne cherchait pas à se justifier. Il ne s’attardait pas à la plaindre. Il annonçait des faits.

Il adressa aussi une lettre à son ami Adrien Clamer, le mettant au courant des événements et le priant de lui donner des nouvelles. En même temps, il envoyait une somme d’argent pour remettre à l’abandonnée qui devait être un peu à court. Clamer vit un déluge de larmes et entendit bien des récriminations et des sanglots. Ce fut une entrevue pénible, bien pénible.

À son retour de Paris, Léo Destrier, le chargea encore de quelques messages pour son ancienne amie. Et les larmes coulèrent encore, mais le calme commençait à se faire.

Puis, voilà qu’au commencement de l’hiver, le jeune peintre contracta une pneumonie. Elle l’emporta en huit jours, laissant une veuve inconsolable et une ancienne maîtresse malheureuse, mais vengée. Le lendemain du décès, malgré la gêne financière dans laquelle elle se trouvait alors, Alice pour montrer à la femme légitime qu’elle existait toujours, envoya avec sa carte une belle couronne de roses et de chrysanthèmes.

Tant que son ami avait vécu, Clamer n’avait jamais songé à lui acheter une toile, à l’encourager. Il était de cette innombrable catégorie de gens qui attendent que l’artiste soit vieux ou mort avant d’acquérir une de ses