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VISAGES DE LA VIE ET DE LA MORT

— Ne fais pas de bruit, recommanda-t-elle, comme ils montaient l’escalier.

— As-tu peur que j’éveille quelqu’un qui dort ? demanda-t-il d’un ton agressif.

— Non, mais ne parle pas si fort. Il est inutile que les gens sachent ce qui se passe ici. C’est déjà assez qu’ils t’aient vu passer. Ils doivent être aux aguets. Et puis, dans ces maisons, on entend tout ce qui se passe chez le voisin.

— Alors, pourquoi m’as-tu invité ? Ça fait des années que tu me supplies de venir ici.

— Je n’avais pas réalisé ce que cela signifiait.

Elle tenait toujours son fanal électrique pendant qu’il se dévêtait.

— Et que fais-tu donc comme ça ? demanda-t-il, la regardant plantée comme une torchère.

— Tu comprends, les gens savent que c’est ici ma chambre et, s’ils voient de la lumière, ils vont jaser.

Exaspéré, il jeta ses vêtements sur une chaise. Sitôt qu’il eut passé sur lui son pyjama, elle éteignit et se glissa à côté de lui.

Ainsi, c’était là cette nuit d’amour qu’il était venu chercher, cette nuit que malgré le passé de hontes, de mensonges, de trahisons, il avait appelée de ses désirs affolés pendant toute la durée du voyage en chemin de fer et en taxi.

Dans le noir de cette chambre, il était étendu sur le dos, immobile, comme mort. Il était dans une rage froide. Si la chose avait été possible, il se serait enfui, mais il n’y avait ni voiture, ni train. Une fois couchée à son tour, Louise s’était rapprochée de lui, mais il ne bougeait pas, ne faisait pas un geste. Elle hasardait des caresses, mais elles