Page:Labiche - Le Voyage de monsieur Perrichon, Gage, 1905.djvu/44

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Daniel, à part. — Le récit de Théramène !

Madame Perrichon. — Mais dépêche-toi donc !

Henriette. — Mon père !

Perrichon. — Un instant, que diable ! Depuis cinq minutes, nous suivions, tout pensifs, un sentier abrupt qui serpentait entre deux crevasses… de glace ! Je marchais le premier.

Madame Perrichon. — Quelle imprudence !

Perrichon. — Tout à coup, j’entends derrière moi comme un éboulement ; je me retourne ; Monsieur venait de disparaître dans un de ces abîmes sans fond dont la vue seule fait frissonner…

Madame Perrichon, impatiente. — Mon ami…

Perrichon. — Alors, n’écoutant que mon courage, moi, père de famille, je m’élance…

Madame Perrichon et Henriette. — Ciel !

Perrichon. — Sur le bord du précipice, je lui tends mon bâton ferré… Il s’y cramponne. Je tire… il tire… nous tirons, et, après une lutte insensée, je l’arrache au néant et je le ramène à la face du soleil, notre père à tous !… (Il s’essuie le front avec son mouchoir.)

Henriette. — Oh ! papa !

Madame Perrichon. — Mon ami !

Perrichon, embrassant sa femme et sa fille. — Oui, mes enfants, c’est une belle page…

Armand, à Daniel. — Comment vous trouvez-vous ?

Daniel, bas. — Très bien ! ne vous inquiétez pas ! (Il se lève.) Monsieur Perrichon, vous venez de rendre un fils à sa mère…

Perrichon, majestueusement. — C’est vrai !