Page:Labiche - Théâtre complet, Calman-Lévy, 1898, volume 04.djvu/299

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Et j’ignore, hélas ! quel sauvage
Dans le monde m’a décoché

Enfin, je suis ce qu’on appelle un… jeu de l’amour et du hasard !… À force de démarches, je me suis procuré deux renseignements précieux… Il y a vingt-six ans, à l’époque de ma naissance, mon père s’appelait Anatole, et sa taille était d’un mètre soixante-dix… Aussi, dès qu’un Anatole paraît… (Il tire de sa poche un mètre en ruban de fil rouge, semblable à ceux dont se servent les tailleurs.) Crac ! je le mesure !… Hier, j’en ai auné un sur le boulevard… Le misérable !… il s’en est fallu de cinq centimètres qu’il ne fût mon père. Malédiction ! (Il fait un geste et laisse tomber son assiette qui se casse.) Ah ! sapristi ! qu’est-ce qu’on va dire ? (Il ramasse les morceaux et les met dans sa poche.) Comme ça, ça ne se verra pas… morceaux cachés… sont à moitié raccommodés ! Chez M. Véry, on me faisait payer la casse… Au bout de six mois de service… nous avons fait nos comptes… je lui redevais quatre-vingts francs… c’est l’exploitation de l’homme par la porcelaine ! Alors, je lui ai dit : "Monsieur, je vois bien que je n’ai pas les moyens d’être votre domestique, je suis bien votre serviteur." (Achevant de mettre le couvert.) Là !… mon couvert est mis… (Se tâtant l’estomac.) Il doit être l’heure du déjeuner… Nous disons que la cuisine est par là… (Il entre dans la cuisine, à droite ; on entend un bruit de vaisselle cassée. Au-dehors.) Ah ! sapristi ! qu’est-ce qu’on va dire ?


Scène IX

Galimard ; puis Antony
Galimard, rentrant par la gauche.

C’est bien ! j’en fais mon affaire ; je vais lui donner son compte, au domestique mâle… et ce ne sera pas long !