Page:Labiche - Théâtre complet, Calman-Lévy, 1898, volume 08.djvu/285

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Antoine, lisant

"Le Renard s’en saisit,"

Antoine.

Continue…

Antoine, lisant

"Et dit : Mon bon Monsieur,

Apprenez… que tout flatteur

Vit aux dépens de celui que l’écoute.

Cette leçon…"

Criqueville, se promenant avec agitation.

Assez !… Mais cette fable… c’est un monde ! une révélation ! Tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute. Quel horizon ! oui… c’est cela ! prendre les hommes par la flatterie… caresser leur amour-propre… se pâmer devant leur laideur !… et l’on vit ! l’on parvient ! on arrive à tout ! voilà le ressort ! (Changeant de ton.) Oui, mais c’est plat ! c’est bas !… Après tout, je ne fais que rendre au monde ce qu’il m’a fait… Les flatteurs !… m’ont-ils assez rongé, grugé jusqu’à mon dernier sou ! et j’hésiterais ? j’irais me jeter à l’eau… sans lutter… comme un collégien ?

Antoine.

Monsieur, le trou va reprendre.

Criqueville.

Ah ! qu’il reprenne !

Il éteint son cigare.

Antoine.

Vous éteignez votre cigare ?

Il étend la main pour le prendre.

Criqueville.

Oui, morbleu ! mais je le garde ! (À part.) Quitte à le rallumer si la fable a menti !