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Page:Labiche - Théâtre complet, Calman-Lévy, 1898, volume 10.djvu/467

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LÉPINOIS.

Rien du tout ! qu’est-ce qui peut lui manquer !… je lui ai donné pour mari un garçon charmant… toujours gai… un vrai boute-en-train… qui la conduit dans un monde… tout à fait grandiose… elle fréquente des baronnes, des comtesses…

MADAME LÉPINOIS, avec aigreur.

Et des princesses, n’est-ce pas ?…

LÉPINOIS, à part.

Une pierre dans mon jardin ! (Haut.) Enfin elle est toujours en fête… Elle vit au milieu des fleurs !… des girandoles !…

MADAME LÉPINOIS.

Mais laissez-moi donc tranquille avec vos girandoles ! Vous me faites l’effet de ces papillons qui prennent la bougie pour le jour ! Voilà ce que c’est ! vous avez voulu lancer votre fille… vous lui avez donné pour mari une espèce de joli monsieur, qui ne songe qu’à chiffonner le nœud de sa cravate… ou à conduire un cotillon… et qui, au lieu de regarder sa femme, se regarde dans la glace.

LÉPINOIS.

Tu es sévère avec Millancey.

MADAME LÉPINOIS.

Vous auriez mieux fait de la marier à un brave garçon, élevé simplement comme nous… Au moins, elle aurait un intérieur, un ménage… comme toutes les honnêtes femmes… Et elle ne passerait pas sa vie à se faner le teint, à se brûler le sang au milieu de toutes ses sauterelles de salon, qui s’intitulent baronnes, comtesses ou princesses…

LÉPINOIS.

Décidément, tu n’aimes pas la noblesse.