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Page:Laboulaye - Études sur la propriété littéraire en France et en Angleterre.djvu/13

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droit une valeur considérable ; l’imprimerie ne s’adresse qu’à ceux qui lisent, et, au temps de Guttemberg, il n’y avait guère de lecteurs que les clercs et les savants de profession. Peu à peu, cependant, cet art merveilleux que Louis XII nommait : « une invention plus divine qu’humaine[1], » a répandu le goût de la lecture, et mille causes diverses ont amené les peuples civilisés à chercher dans les livres cette éducation qui fait leur supériorité. Les anciens ne s’occupaient guère que de littérature, en prenant ce mot dans son sens le plus large, c’est-à-dire en y comprenant toutes les études qui ont l’homme pour objet ; les modernes ont écrit sur toutes choses : ils ne se sont pas bornes à la religion, à la politique, à la poésie ; ils ont écrit sur les sciences, sur l’industrie, sur l’agriculture, sur les beaux-arts, etc. Le livre est devenu un besoin général, il est aussi devenu un plaisir universel. Le roman, par exemple, a pour nous tout le charme que le théâtre avait pour les Athéniens ; et, à vrai dire, cette peinture des passions qui, pour émouvoir, n’emprunte aucun secours extérieur, et ne s’adresse qu’à l’esprit, me semble un plaisir aussi légitime et non moins délicat que le drame ou la comédie.

Du jour où le public a voulu s’instruire et s’amuser, il y a eu des auteurs de profession, et des auteurs ont voulu

  1. Déclaration de Blois, du 3 avril 1513 : « Pour la considération du grand bien qui est advenu en notre royaume au moyen de l’art et science de l’impression, l’invention de laquelle semble être plus divine qu’humaine, laquelle, grâce à Dieu, a été trouvé et inventée de notre temps…, par laquelle notre sainte foi catholique a été grandement augmentée et corroborée, justice mieux entendue et administrée, et le divin service plus honorablement et curieusement fait, dit et célébré, au moyen de quoi tant de bonnes et salutaires doctrines ont été manifestées, communiquées et publiées à tout chacun, etc. » Louis XII avait deviné le rôle de la presse, admirable outil de civilisation que ceux-là seuls insultent qui ne savent pas s’en servir, ou qui ont peur de la vérité.