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Page:Laboulaye - Études sur la propriété littéraire en France et en Angleterre.djvu/41

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cherche quel est l’objet de la propriété littéraire, et si cet objet peut constituer une propriété.

C’est là, ce semble, une question bien simple ; cependant, c’est faute d’avoir bien compris les termes du problème qu’on s’est égaré si longtemps.

Chose bizarre ! la plus ancienne consultation que nous ayons sur le droit des auteurs a traité ce sujet d’une façon supérieure, et je ne sais ce qu’on pourrait ajouter aux sages considérations de Louis d’Héricourt. Consulté, en 1725, par les libraires de Paris, qui défendaient le principe de la continuation des privilèges contre les libraires de province, Louis d’Héricourt, bien connu dans la jurisprudence par ses travaux canoniques, rédigea un mémoire en faveur de la perpétuité du privilège, en d’autres termes, en faveur de la pleine propriété des auteurs ; et voici comment il s’explique :

Un manuscrit qui ne contient rien de contraire à la religion, aux lois de l’État ou à l’intérêt des particuliers, est en la personne de l’auteur un bien qui lui est tellement propre, qu’il n’est pas plus permis de l’en dépouiller que de son argent, de ses meubles, ou même d’une terre, parce que c’est le fruit de son travail qui lui est personnel, dont il doit avoir la liberté de disposer à son gré, pour se procurer, outre l’honneur qu’il en espère, un profil qui lui fournisse ses besoins, et même ceux des personnes qui lui sont unies par les liens du sang, de l’amitié ou de la reconnaissance.

Si un auteur est constamment propriétaire, et par conséquent seul maître de son ouvrage, il n’y a que lui ou ceux qui le représentent qui puissent valablement le faire passer à un autre, et lui donner dessus le même droit que l’auteur y avait.

Par conséquent le roi n’y ayant aucun droit, tant que l’auteur est vivant ou représenté par ses héritiers ou donataires, il ne peut le transmettre à personne, à la faveur d’un privilège, sans le consentement de celui à qui il se trouve appartenir…

Ce ne sont point les privilèges que le roi accorde aux libraires qui les rendent propriétaires des livres qu’ils impriment, mais uniquement