Page:Laboulaye - Histoire politique des États-Unis, tome 1.djvu/417

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

colonisation ; mais l’état florissant des provinces voisines et la fertilité d’un pays si bien situé permettaient à toute ambition les espérances les plus hardies[1].

Cette charte obtenue, les vues de la compagnie s’agrandirent ; on voulut donner à cet empire un gouvernement qui répondît à la fortune qu’on entrevoyait dans un prochain avenir. Clarendon n’était plus en Angleterre ; ce fut Ashley Cooper, comte de Shaftesbury, le plus actif et le plus intelligent des associés, qu’on chargea de rédiger pour l’État naissant une constitution parfaite, et qui durât au travers des siècles[2]. C’est là peut-être un des plus anciens exemples de cette erreur contagieuse que nous a transmise le xviiie siècle, et qui consiste à rêver des lois éternelles pour des rapports qui changent tous les jours.

Shaftesbury était à cette époque (en 1668) dans la pleine maturité de son génie ; célèbre par son éloquence, son esprit, sa finesse, tout-puissant près du roi dont il avait servi le retour, et joignant à une grande capacité et à une grande fortune une ambition plus vaste encore. C’était un de ces hommes comme il en paraît dans les temps de révolution, qui, au travers de tous les bouleversements de choses et d’idées, savent se maintenir à la tête du gouvernement ou de l’opinion ; de

  1. Bancroft, History of the United States, t. II, p. 138.
  2. Bancroft, loc. cit., p. 139.