posséder une province vide de blancs, pleine de nègres, propriété précaire d’un petit nombre, exposée tout à la fois à la trahison intérieure et à l’invasion étrangère.
Ainsi on repoussait l’esclavage, non-seulement comme injuste et cruel (car c’est ainsi qu’on commençait à le considérer), mais comme fatal aux intérêts des pauvres émigrants en vue de qui on établissait la colonie.
Enfin, une disposition tout humaine, et que de nos jours ont reproduite les sociétés de tempérance, défendait l’introduction du rhum et des liqueurs spiritueuses ; et pour empêcher cette cause de démoralisation, tout commerce avec les Antilles était interdit.
Ces trois dispositions échouèrent, parce que, avec une apparence de justice, elles étaient impraticables dans la colonie.
Les émigrants de Salzbourg, accoutumés au travail des mains, résistaient à l’introduction de l’esclavage ; mais il n’en fut pas de même des émigrants anglais, pris en majeure partie parmi des prisonniers pour dettes, c’est-à-dire parmi des gens habitués à l’industrie plus qu’au rude labeur des champs, et la plupart déjà usés par la misère ou la débauche ; ils se plaignirent hautement qu’on les avait trompés. À les entendre le sol n’était pas assez fertile, c’était à la compagnie à les soutenir, à leur fournir des outils, des secours, en un mot