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d’une faction mourante[1]. Il ne savait pas ce que pouvait l’esprit public. Ce fut avec patriotisme qu’on but un misérable thé fait avec des feuilles de framboise[2], et qu’on se résigna à ne plus manger de mouton pour avoir plus de laine et porter des habits filés et tissés à la maison. Dans ces moments de fièvre tout est facile, l’amour de la liberté anoblit tous les sacrifices. Quiconque parlait de céder, quiconque doutait de la victoire était honni comme un traître[3].

Ce qui frappe en lisant toutes ces longues discussions, toute cette procédure, c’est le sentiment du droit, je dirais presque l’absence de passion. Il n’y a ni intérêt personnel, ni ambition en jeu ; la résistance est si générale qu’elle est anonyme. Il n’y a pas un homme qui soit à la tête du mouvement, tout se fait par des assemblées. Rien de dramatique, rien qui ressemble à notre révolution ; mais quelque chose de décidé, de viril. On sent la force et la résolution d’un peuple qui veut son droit et qui l’aura.

Est-ce à la race qu’il faut attribuer cette supériorité politique ? Non, je n’adopte pas cette excuse commode pour toutes les faiblesses et toutes les lâchetés. C’est à l’éducation que les Américains devaient leur énergie ; ils avaient un siècle et demi de liberté derrière eux.

Nous aussi nous avançons, lentement il est vrai, et avec plus d’un retour ; mais nous avançons ! Qu’on compare la révolution de 1848 à celle de 1789, on en sen-

  1. Life of Otis, p. 289.
  2. Lossing, Amer. Rev., I, 481.
  3. Bancroft, ibid., III, 254.