Page:Laboulaye - Histoire politique des États-Unis, tome 2.djvu/202

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pas cela ; ils supposent qu’on mène le monde avec des intérêts ; c’est une illusion ; on mène le monde avec des idées. L’intérêt est personnel, multiple, divisé ; l’idée assemble en bataillons tous les hommes ; les plus obscurs ne sont pas les moins dévoués. Washington n’a qu’une idée, l’idée qu’on se doit à la patrie injustement opprimée ; sur cette idée, il risque son honneur et sa vie non pas avec plus de gaieté ni de courage que Franklin, mais avec plus de résolution et de noblesse, et c’est pour cela que le héros de l’Amérique et des temps modernes, ce n’est pas Franklin, le malicieux bonhomme, c’est celui qui fut simple et grand de cœur et d’âme, c’est Washington.

Mais, en finissant, j’ai honte, je l’avoue, de ma sévérité. Ai-je le droit de reprocher à un homme d’avoir usé des facultés que Dieu lui a données ; toute comparaison n’est-elle pas odieuse, et au lieu de distinguer, ne vaut-il pas mieux féliciter l’Amérique, qui eut à son service un cœur dévoué comme Adams, un homme d’esprit comme Franklin et un patriote comme Washington ?