sceau d’infamie. Des lettres particulières, c’est un dépôt sacré qu’on a respecté au milieu de toutes les fureurs religieuses et politiques. Cet homme a perdu tout droit au respect. Dans quelle compagnie le recevra-t-on ? On le surveillera d’un œil jaloux, on cachera ses papiers, on fermera son bureau. L’appeler homme de lettres, ce sera désormais pour lui une injure ; il sera l’homo trium literarum[1]. »
Je vous fais grâce de la prosopopée où le solicitor général représente Franklin froid et impassible, en face de deux hommes qui s’entre-tuent en duel par sa faute, d’un digne gouverneur blessé dans ses plus chers intérêts, et des destinées de l’Amérique en suspens. Nous sommes faits à cette rhétorique. Wedderburn finit par une magnifique citation de la tragédie de Zanga ou la Vengeance, par Young, dans laquelle un nègre tue son ennemi ; il demanda « si la fiction poétique qui personnifiait la vengeance dans le sanguinaire Africain n’était pas surpassée par la froideur et l’apathie de cet Américain rusé[2]. » Ces violences sont, à ce qu’il paraît, en tous pays, le privilège des représentants de l’impassible justice.
L’homme qu’un intrigant obscur traitait de cette sorte était un vieillard de soixante-huit ans, respectable moins encore par l’âge que par la noblesse de sa vie, ses découvertes scientifiques, et les services que durant vingt ans il avait rendus à sa patrie et à l’Angleterre, c’était Benjamin Franklin.