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« Mylords, dit-il, ces papiers qu’on vous soumet aujourd’hui pour la première fois sont, à ma connaissance, depuis cinq ou six semaines dans la poche du ministre. Et quoique les destinées du royaume dépendent de cette grande question, c’est aujourd’hui seulement qu’on nous appelle à l’examiner.

« Mylords, je n’ai nul désir de regarder ces papiers. Je sais déjà ce qu’ils contiennent. Il n’y a pas un membre de la Chambre qui n’en soit instruit. Entrons donc de suite en matière, abordons la question. Saisissons le premier moment pour ouvrir la porte de la réconciliation[1].

« … Bientôt il sera trop tard. Une heure perdue peut produire des années de malheur. Rappeler les troupes de Boston, c’est le premier moyen de rétablir la paix et de fonder votre prospérité.

« … L’esprit d’indépendance qui anime les peuples d’Amérique n’est pas chose nouvelle ; leur foi n’a jamais changé. À l’époque de l’acte du timbre, une personne respectable et sûre m’affirmait que les Américains étaient décidés à tout. Vous pouviez détruire leurs villes, leur enlever les superfluités et peut-être les commodités de la vie ; mais ils étaient prêts à mépriser votre pouvoir, et ne regretteraient rien tant qu’ils auraient — quoi, mylords ? — leurs biens et leur liberté.

« Si des violences ont été commises en Amérique, préparez la voie pour qu’on les reconnaisse et qu’on vous donne satisfaction : mais pour la faute de cinquante individus, n’opprimez pas trois millions d’hommes. Cette sévérité, cette injustice feront naître dans vos colonies une inguérissable rancune. — Vous marcherez de ville en ville, de province en province ? — Comment assurerez-vous l’obéissance du peuple que vous laisserez derrière vous, dans votre marche pour saisir six cents lieues de continent ?

« Il était facile de prévoir qu’on résisterait à vos taxes arbitraires ; il suffisait de connaître la nature des choses, le cœur humain, et surtout cet esprit whig qui fleurit en Amérique.

  1. Pitkin, I, 307.