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tant mieux que les grandes et nobles réponses ne vont à l’adresse que des grands et nobles esprits.

Aussi vit-on défiler toute la bande ordinaire des sophismes politiques : l’appel à la force et à l’intérêt, le dédain, la colère, l’accusation de complicité.

« Mylords, dit lord Gower, avec hauteur, laissez les Américains parler de leurs droits naturels ou divins. Leurs droits comme homme et comme citoyen, ! leurs droits qu’ils tiennent de Dieu et de la nature ! Mon avis est d’employer la force. » Lyttleton reprocha à Chatham de répandre le feu de la sédition, et accusa les Américains de vouloir s’affranchir de l’acte de navigation. Rocheford déclara que Chatham n’était pas moins responsable que les Américains, et responsable en sa personne de tout ce qui suivrait[1].

Toutes ces criailleries ne pouvaient émouvoir l’homme d’État ; mais son éloquence n’eut pas plus d’effet que le sifflement du vent ; la motion fut rejetée par 68 voix contre 18. Parmi ces 18 voix se trouvait celle du duc de Cumberland, frère du roi. Il était tout à l’Amérique. On raconte qu’un jour, dans le pourtour de la chambre, il s’approcha du docteur Price, qui venait de publier un pamphlet des plus vifs en faveur de l’Amérique. « Je l’ai lu hier soir, dit-il, et si tard que votre livre m’a presque aveuglé. — Vraiment ! dit Dunning, l’ami de Burke ; cela m’étonne, il a fait l’effet contraire sur la plus grande partie de la nation, il lui a ouvert les yeux[2]. »

Le roi, qui entraînait lord North dans cette voie sans

  1. Bancroft, Amer. Rev., IV, 203.
  2. Lord Mahon, VI, 24.