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pair d’Angleterre. » — Et se tournant vers Franklin qui était appuyé à la barre : « Je suppose, continua-t-il, que c’est là une œuvre américaine ; et j’imagine que j’ai devant moi la personne qui l’a esquissée, un des ennemis les plus âpres et les plus dangereux que ce pays ait jamais eus. »

Tous les yeux se tournèrent vers Franklin, Chatham répondit : « Ce plan est entièrement mon œuvre ; mais si j’étais premier ministre, et si j’avais la charge de terminer cette importante affaire, je ne rougirais pas d’appeler publiquement à mon aide un homme aussi parfaitement instruit des choses américaines, un homme que toute l’Europe place auprès de nos Boyle et de nos Newton, comme faisant honneur non-seulement à la nation anglaise, mais à l’humanité[1]. »

Lord Darmouth, effrayé de la vivacité de son collègue et surtout des compliments de l’opposition, qui l’avait félicité de sa suprême honnêteté, fut pris de sa faiblesse ordinaire ; il déclara qu’il ne pouvait accepter de tels éloges et qu’il avait changé d’avis. Le ministère demanda le rejet immédiat de la proposition. Contre tant de violence et de faiblesse, Chatham éclata.

« Rejetez ce bill, dit-il, il n’en fera pas moins son chemin dans le public, dans la nation, dans les plus lointaines solitudes de l’Amérique. Quels que soient ses défauts, il montrera du moins quel zèle j’ai mis à détourner les orages qui menacent de fondre sur mon pays. Je ne m’étonne pas que des

  1. Bancroft, Amer. Rev., IV, 221.