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armes ; elle vous a répondu comme les Spartiates : « Viens les prendre. »

« Pensez-y, dit-il en finissant. S’il paraît un traité avec la France, alors déclarez la guerre, n’auriez-vous que cinq vaisseaux de ligne ; mais la France reculera le plus longtemps possible avant de faire un traité. Maintenant vous êtes à la merci de tous les petits princes d’Allemagne ; les prétentions de la France grandiront chaque jour, elle deviendra partie avouée soit en paix, soit en guerre. Vous avez essayé d’une soumission sans condition, essayez d’une justice sans condition. Vous y compromettrez moins votre dignité qu’en vous soumettant aux demandes des chancelleries d’Allemagne. Nous sommes les agresseurs, nous avons attaqué l’Amérique comme l’Armada espagnole a jadis attaqué l’Angleterre. Essayez de la bonté. La bonté n’a jamais nui à personne, elle mettra le trône du roi où il doit être, dans le cœur de ses peuples, et alors des millions d’hommes, ici ou au loin, qui ne parlent que de reproches et de révoltes, prieront Dieu pour le souverain[1]. »

Le débat qui suivit cette motion fut des plus vifs ; les ducs de Grafton et de Manchester, les lords Camden et Shelburne soutinrent Chatham, qui fut surtout attaqué par lord Mansfield et le nouvel archevêque d’York, le docteur Markham. Ce n’est pas le moindre inconvénient des évêques politiques, que de leur voir prêcher la guerre et le Dieu des combats. Chatham parla une seconde fois avec la même éloquence ; mais ce fut en vain ; 76 voix contre 26 rejetèrent sa proposition.

Et cependant ce qui fait aujourd’hui la grandeur de son nom, ce sont ces batailles perdues pour la défense de la justice et de l’humanité.

  1. Lord Mahon, VI, 155.