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Au commencement de décembre, les forts de la Delaware étaient pris, Howe réunit son armée, et offrit bataille à Washington près de Whitemarsh. Le Fabius américain était décidé à ne pas quitter sa forte position ; tout se réduisit à quelques escarmouches, où se distingua la milice du Maryland. Howe, ne pouvant attirer l’ennemi dans la plaine, alla prendre ses quartiers d’hiver à Philadelphie. Cela n’était pas moins nécessaire à Washington. Ses soldats n’avaient pas même de couvertures, et le manque de souliers était si général, qu’on pouvait suivre l’armée à la piste par les traces de sang laissées sur la neige. Washington s’en explique dans une lettre adressée au président du Congrès, Henri Laurens, de la Caroline du Sud, qui venait de remplacer Hancock, obligé de se retirer à cause de sa mauvaise santé. La lettre est du 23 décembre 1777, elle est navrante :

« Je n’ai pas l’ombre d’un doute que, si l’on n’améliore le commissariat, l’armée sera réduite à une de ces trois nécessités : mourir de faim, se dissoudre ou se disperser pour vivre comme elle pourra. Je n’exagère rien, j’ai de fortes raisons pour redouter ce que je vous dis.

« Hier dans l’après-midi, informé qu’un gros de troupes ennemies était sorti de Philadelphie, et se portait sur Derby avec l’intention apparente de fourrager, j’ai donné ordre à mes troupes de s’apprêter pour gêner le dessein de l’ennemi. À ma grande mortification, je fus instruit, à n’en pas douter, que mes hommes ne pouvaient remuer faute de vivres ; une sédition dangereuse avait eu lieu la veille au soir, les efforts courageux de quelques officiers l’avaient étouffée à grand’peine ; on pouvait craindre que la faim ne la fît éclater de nouveau.