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L’énergie de ses paroles fut plus grande que jamais, et aujourd’hui encore, dans les écoles d’Angleterre et d’Amérique, c’est dans ce discours de Chatham qu’on fait apprendre aux enfants l’éloquence moderne et le grand art de parler.

« Mylords, dit-il, au milieu d’embarras et de périls semblables aux nôtres, l’usage de la couronne a toujours été de demander avis et secours à cette Chambre, le grand conseil héréditaire de la nation. C’est le droit du Parlement que de donner cet avis, c’est le devoir de la couronne que de le demander.

« Mais aujourd’hui, dans la crise où nous sommes, on ne vous demande ni conseil, ni appui ; c’est la couronne qui, seule et d’elle-même, vous déclare que rien ne changera sa résolution de poursuivre les mesures que seule elle a concertées ; et quelles mesures, Mylords ! Des mesures qui jusqu’à présent n’ont produit que mécomptes et défaites. Je ne peux pas, Mylords, je ne veux pas me joindre à ces félicitations sur des échecs et des disgrâces. Nous sommes dans un moment dangereux et terrible ; l’heure de l’adulation est passée. Pour nous tirer de cette crise difficile et menaçante, il faut autre chose que de vaines flatteries. Il est nécessaire de parler au trône le langage de la vérité. Nous devons, si la chose est possible, dissiper l’ombre et l’illusion qui l’enveloppent ; il faut montrer sous ses vraies couleurs, dans tout son danger, la ruine qui est à nos portes.

« Dans leur présomption, les ministres peuvent-ils croire que nous soutiendrons leur folie ? Le Parlement est-il tellement mort à sa dignité et à son devoir qu’il soutienne des mesures qu’on nous impose de force ? Des mesures, Mylords, qui ont réduit ce grand et florissant empire à devenir un objet de mépris et de dédain ? Hier encore, l’Angleterre aurait résisté au monde entier ; aujourd’hui, il n’y a personne d’assez misérable pour la respecter.