Page:Laboulaye - Histoire politique des États-Unis, tome 2.djvu/41

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tance pour le public que n’en peut avoir la fortune du pays ; je ne dis pas seulement pour le public, mais pour les riches eux-mêmes et pour leur postérité[1]. »

Transportez-vous par la pensée à Paris vers la même époque, c’est-à-dire sous le ministère de M. de Choiseul, sous le règne de la Dubarry, au moment où Rousseau, publiant l’Émile et le Contrat social, est dénoncé par l’archevêque de Paris, poursuivi par la Sorbonne, par le Parlement, par les états généraux de Hollande, par Genève, sa patrie, vous sentirez que l’ancien et le nouveau monde ne sont plus au même diapason. En Amérique, l’esprit général est démocratique ; il y a un siècle que les derniers flots de la révolution sont apaisés. Le peuple jouit en paix d’une liberté déjà vieille. En France, le trouble est dans les intelligences ; il y a deux sociétés en lutte : un avenir qui a peine à naître, un passé qui a peine à mourir. Ainsi s’explique le facile succès de l’Amérique et nos échecs douloureux. Comme les Anglais du dix-septième siècle, nous avons voulu renouveler tout d’un coup les idées et les institutions, c’est trop de la moitié. Changez d’abord les idées, les institutions tomberont d’elles-mêmes comme des feuilles que la sève abandonne et que le vent d’automne dissipe au loin.

Revenons à l’Amérique.

Les pages d’Adams nous ont montré, dans toute son effervescence, l’esprit d’un avocat ardent et passionné ;

  1. J’emprunte cette citation à l’Éloge d’Adams, par Sprague ; Eulogies pronounced in the several States in honor of… John Adams and Thomas Jefferson. Hartford, 1826. P. 260.