Page:Laboulaye - Histoire politique des États-Unis, tome 2.djvu/415

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne l’accepterait que s’il venait avec ses amis comme auxiliaire de son ministre favori[1].

Ce fut alors que, le 7 avril 1778, le duc de Richmond proposa une adresse au roi, où l’on priait Sa Majesté de retirer ses flottes et ses armées des treize colonies et de reconnaître leur indépendance. C’était une de ces mesures nécessaires, mais humiliantes, qu’un pays n’accepte qu’à la dernière extrémité. Le patriotisme de Chatham en fut révolté. Dévoré de goutte, il se fît porter à la Chambre des lords, et s’y traîna à sa place, appuyé sur l’épaule de William Pitt, son fils, et de lord Mahon, son gendre.

Ses paroles tremblantes, ses phrases brèves, entrecoupées, étaient un dernier appel au patriotisme anglais :

« Jamais, s’écria-t-il, je ne consentirai à priver de son plus bel héritage un descendant de la maison de Brunswick, un héritier de la princesse Sophie. Mylords, Sa Majesté a succédé à un empire aussi étendu que respectable. Ternirons-nous les fastes de cet empire par un ignominieux abandon de nos droits ? Tomberons-nous à genoux devant la maison de Bourbon ? Certes, Mylords, cette nation n’est plus ce qu’elle était naguère ! Un peuple qui, il y a dix-sept ans, était la terreur du monde, est-il descendu assez bas pour dire aujourd’hui à son ennemi invétéré : Prends tout ce que nous avons, mais donne-nous la paix. Non, c’est impossible. Je n’attaque personne, je ne demande la place de personne, je ne veux pas m’associer à des hommes qui s’entêtent dans leur erreur ; mais, au nom du ciel, s’il est absolument nécessaire de choisir entre la paix et la guerre ; si la paix ne peut être conservée sans perdre l’honneur, pourquoi ne pas commencer la guerre sans

  1. Lord Mahon, VI, 232.