Page:Laboulaye - Histoire politique des États-Unis, tome 2.djvu/453

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a toujours été inséparable de celui de l’armée, et quand nous touchons au but de nos travaux, on ose m’accuser de voir vos intérêts d’un œil d’indifférence. Mais comment les servir ? Par un moyen bien simple, dit l’anonyme. Si la guerre continue, réfugions-nous dans des pays inhabités, formons-y des établissements, abandonnons à sa propre défense une ingrate patrie. Mais si vous suivez ce conseil, que lui restera-t-il donc à défendre ? Nos femmes, nos enfants ? Nos terres et nos biens que nous abandonnons ? ou bien, laissant nos biens, emporterons-nous le reste pour aller dans le fond des déserts y périr de faim, de froid, de nudité ? Ainsi nous déserterons notre pays lorsqu’il a le plus besoin de notre secours, ou nous tournerons nos armes contre lui si le Congrès ne cède à nos demandes. Cette alternative fait frémir. Est-il l’ami de notre patrie, celui qui vous le conseille ? est-il l’ami de l’armée ? Non, c’est un ennemi de l’une et de l’autre, c’est quelque émissaire jeté de New-York au milieu de nous pour allumer la discorde et la guerre entre l’armée et l’autorité civile. Mais quelle idée a-t-il donc de nous conseiller des extrémités qui sont impraticables par leur nature ? Je dis impraticables, Messieurs ; ici je m’arrête. Tout le monde m’aura suffisamment entendu. Ce serait vous faire injure que de chercher à vous le prouver ; la prudence, d’ailleurs, me l’interdit. Un moment de réflexion suffit pour reconnaître l’absurdité de l’une et de l’autre alternative ; peut-être même ne convient-il pas, en m’entretenant avec les officiers de l’armée, de m’arrêter si longtemps à une production anonyme. Mais le mystère avec lequel elle a été répandue, l’effet qu’on en a espéré, et d’autres circonstances encore justifieront les observations que je viens de faire sur cet écrit.

« Quant à l’avis donné par l’auteur de regarder comme suspect celui qui conseillerait la modération, il a tout mon mépris comme il aura sûrement celui de tout ami de la liberté et de la justice, car si l’on nous ôte le droit d’émettre librement nos opinions sur une matière si importante, à quoi sert la raison ?