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à craindre des Français, on se trouvait n’avoir plus besoin de la mère patrie ; ce n’était qu’un sentiment vague, mais qui devait grandir à la première souffrance.

« Avant la paix, écrivait Hutchinson à lord Darmouth, le 14 décembre 1773, rien ne me paraissait plus désirable que la cession du Canada. Je suis maintenant convaincu que, si le Canada était resté aux Français, l’esprit d’opposition à la métropole n’aurait jamais paru. Cet esprit est plus dangereux pour nous que tout ce que nous avions à craindre des Indiens et des Français[1]. »

En Angleterre, on avait d’autres idées. Les troupes régulières ne rapportaient pas une grande estime des milices coloniales ; les difficultés faites par les législatures pour voter des hommes ou de l’argent plaisaient peu à un gouvernement qui attribuait à la métropole le droit de taxer à son gré les Colonies.

Mais, de 1757 à 1760, Pitt était ministre ; il avait respecté l’indépendance des planteurs, sans leur porter une bien vive affection. Pitt était un de ces hommes passionnés, d’une volonté énergique, qui ont une idée à laquelle ils subordonnent et sacrifient tout le reste. Humilier la France, la chasser de l’Inde, de l’Amérique et des mers, établir partout la suprématie de l’Angleterre et lui donner le monopole du commerce, c’était l’ambition d’un homme que l’Angleterre admire d’autant plus qu’elle retrouve en lui jusqu’à ses défauts. C’était l’Anglais le plus anglais du dix-huitième siècle,

  1. Pitkin, I, 157.