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abattu la France ; et j’ajoute que personne n’y croyait aux colonies[1]. Il fallut dix ans de querelles et d’agitations pour décider les Américains ; mais aussi, une fois décidés, ils ne reculèrent plus.

La chute de lord Bute, en avril 1763, amena la retraite de Townshend, et mit à la tête des affaires George Grenville ; ce fut lui qui eut le triste honneur d’attacher son nom à l’impôt du timbre, première entreprise sur les droits des planteurs, qui devait amener la séparation.

George Grenville était un légiste ; il se croyait libéral parce que le premier article de son symbole politique, qui était celui des whigs, c’était l’omnipotence du Parlement. Comme si une assemblée qui n’a pas même de responsabilité morale ne pouvait pas être plus tyrannique qu’un homme, toujours retenu par la crainte de l’opinion, et qui tout au moins redoute l’incorruptible avenir.

C’était en outre un de ces administrateurs minutieux qui se noient dans leurs paperasses ; un de ces pédants politiques qu’on admire dans les assemblées, parce qu’ils connaissent tous les détails sans jamais s’élever jusqu’aux principes[2] ; un de ces hommes qu’un proverbe allemand caractérise finement, en disant que les arbres les empêchent de voir la forêt. On a dit de lui, avec une vérité plaisante « qu’il avait perdu l’Amérique parce qu’il avait lu les dépêches américaines, ce

  1. Voyez le discours d’Otis à Boston, en 1763. Bancroft, Amer. Rev., t. II, p. 101.
  2. Bancroft, ibid., II, p. 114.